Bâtiment néo-gothique maintenant à l'abandon, cette folie est construite par M. Marquis, un riche chocolatier à la fin du XIXe siècle, dans un endroit à l'époque encore très sauvage et difficile d'accès. À la mort de M. Marquis, sa fille, carmélite, y fonde momentanément un couvent. Malgré les nombreuses zones d'ombre dans l'histoire de ce bâtiment mystérieux, on sait que pendant la Première Guerre mondiale il abrite un bal clandestin, lorsqu'ils sont partout interdits. Le conseiller Viviani qui avait signé l'ordre de mobilisation générale de 1914 y meurt en 1925 ' sur un canapé Louis XV, marmonnant des prières, lui qui, dans son discours sur la séparation de l'Église et l'État, prétendait éteindre certaines étoiles au firmament '. En 1937, il retrouve sa vocation religieuse en abritant à nouveau un carmel. En 1956, il devient collège d'enseignement technique féminin. C'est sa dernière utilisation, car désormais ce n'est qu'une demeure abandonnée aux intempéries et aux malveillances. Un permis de démolir est accordé en 1984, mais il n'a pas eu de suite. Raymond Radiguet (1903-1923) s'est inspiré de cet endroit à l'histoire mouvementée pour abriter Le Bal du comte d'Orgel, son second et dernier roman publié en 1924, un an après sa mort.
Le château de la Solitude, du chocolat au comte d’Orgel
Nostalgique de la mode des solitudes (ces résidences que l’on se faisait bâtir loin des villes) déjà vieille d’un bon siècle, le chocolatier Marquis (qui tenait boutique passage des Panoramas) se fit construire au Plessis-Piquet, à la fin du XIXe siècle, une demeure inspirée du gothique renaissant, exhibant un catalogue hétérogène du vocabulaire architectural de cette époque mêlé de quelques emprunts plus indécis. L’ensemble, un peu ostentatoire, suscitait cependant, dans sa généreuse naïveté, autant d’appétence que le chocolat fin de son constructeur. C’est ce décor que Raymond Radiguet choisit en 1923 pour y faire naître l’amour impossible de Mahaut et de François dans le Bal du comte d’Orgel, qu’il termina juste avant sa mort.
Plusieurs changements de propriétaires le firent passer des mains du chocolatier à celles du ministre René Viviani, ensuite il devint couvent de carmélites, puis l’éducation nationale y installa pendant quelques années une centaine de jeunes filles qui y suivaient un enseignement technique.
En 1976, l’abandon fut suivi du scénario classique : pillage, vandalisme, incendie. Né pour être romantique dès avant que d’être ruiné, le château en a alors atteint la quintessence, hélas gâchée par des tags inintéressants puis par un ridicule grillage.
Tous les éléments de la demeure étaient empruntés à l’art de vivre de la bourgeoisie de la fin du Second Empire. L’habillage médiéval ne correspondait donc à aucune fonctionnalité, et la salle dite des gardes n’en recélait aucun. Mais, personnellement, je préférerais mille fois vivre dans un tel décor plutôt que dans la Cité radieuse.
Soigneusement construit en pierre taillée et appareillée dans les règles de l’art, le gros œuvre du château a plutôt bien résisté aux outrages, sauf évidemment la charpente dont l’écroulement a entraîné celui des jolies tuiles faîtières formant crête.
Linteaux en accolade ou en arc surbaissé montés sur corbeaux, gâbles, trilobes, colonnes torsadées, chapiteaux de feuillages, arcs de décharge, archivoltes à crochets, tympans ajourés à colonnettes, rien n’y manque… Si ! les lanceurs ! Curieusement, il n’y en a aucun, même factices, les eaux pluviales étant recueillies par des gouttières camouflées par les fausses balustrades à la base des combles et évacuées par des conduits intégrés.
 
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire